« Comment tu peux manger autant sans prendre un seul kilo ? » Je lâchai la cuillère et pivotai sur mes pieds en un mouvement. « Sandy ! » Un grand sourire étira mes lèvres tandis que je pressais ma cousine contre mon coeur. J'entendis son rire chaud dans mon oreille. « Non, sérieusement, chérie. Tu te goinfres comme un porc, et moi si je mange le quart de c'qu'ya dans ton assiette en ce moment, je prends cinq kilos. Alors c'est quoi ta recette secrète ? » Ce fut à mon tour de rire. « La recette secrète réside en ma génétique particulière. » Elle appuya sa hanche sur le buffet, une moue morose sur les lèvres. « Aucune possibilité que je te la pique alors. C'est pas juste en plus, si j'avais été ta vraie cousine, j'y aurais eu droit à cette génétique. » « D'après moi, ça aurait plutôt été moi qui aurait eu la tienne. » fis-je en riant à nouveau. « Bon, alors. Plus sérieusement, comment s'est passé ton été, chérie ? » « Plutôt bien. Ça passe toujours trop vite, mais qu'est-ce que tu veux que j'y fasse ... » Elle me lança un regard appuyé tandis que je reprenais la cuillère et recommençais à me servir de toutes ces bonnes choses qui emplissaient le buffet. « Et ton été à toi ? » « Et avec Dave ? » Je déposai mon assiette à regret, laissai échapper un sourire et me tournai résolument vers elle. « Y'a jamais rien eu avec Dave. Ok ? Il faut que ça te rentre dans le crâne, là. » Son regard se glaça, et avec lui, sa moue dubitative se figea. « Elise, tu peux aller raconter tes conneries à qui tu veux, mais tu vas pas me mentir comme ça, à moi. » Dave était un garçon un peu plus vieux que moi que j'avais rencontré en camping. Une histoire plutôt classique, comme tout le monde dit toujours, mais en fait, pas vraiment. On est vite devenus bons amis, et on a continué de s'appeler quelques semaines après qu'on soit repartis chez nous, mais avec le temps, nous avions complètement perdu contact. Point à la ligne. Le truc, c'était qu'il visitait souvent mon esprit, surtout avec ma sœur et, maintenant, Sandy pour me parler de lui à chaque jour. Je n'avais rien contre lui, au contraire, je l'aimais bien, car sinon je ne serais pas devenue son amie, mais quand même, quand quelqu'un finit par élire domicile dans votre cerveau contre votre gré, c'est plutôt énervant.« Sandy ! Arrête avec ça. On s'est rencontré, on est devenus bons amis, on est partis chacun de notre côté et puis c'est tout. Maintenant, on s'est perdus de vue. Je vois pas ce que tu comprends pas dans le mot 'rien'. » « Oh, mais je comprends très bien la signification du mot 'rien', chérie. » siffla-t-elle. « Ce que je comprends pas et que t'as pas l'air de vouloir avouer, c'est qu'y'avait plus qu'une amitié entre vous et tu pourras jamais me convaincre qu'il y avait 'rien' ! J'étais là, moi aussi, et je sais aussi bien que toi que vous étiez pas seulement amis. Je suis la seule qui ai vu votre alchimie et tu me ment quand même ? Pitié. Il serait tant que t'ouvres les yeux. » Je la contemplai, soudain froide. Pour qui elle se prenait, à me dire quoi faire et ne pas faire, à décider à ma place mes relations avec les autres ? « Je sais très bien que t'as toujours voulu nous voir ensemble, mais tu sais quoi, tout se passe pas comme dans un conte fantastique. C'est pas parce que tu souhaites quelque chose que ça va se réaliser. Le monde tourne pas autour de ton nombril, Sandy. » Je pris résolument mon assiette et partit m'asseoir à table. Il n'y avait bien que Sandy pour transformer de joyeuses retrouvailles en dispute venimeuse. « Ça va ? » Ces paroles, prononcées par mon frère, me sortirent de mes pensées. Je me rendis compte que, par automatisme, j'avais commencé à manger. « Mhhh ? Oh, oui oui. La tempête Sandy est encore passée. » « Je comprendrai jamais cette fille. Dire que c'est ma cousine ... » « Elle est pas si horrible ... Mais elle a toujours été trop gâtée et voilà ce que ça donne. J'ai jamais vu personne d'aussi susceptible et excentrique. » Il me regarda en silence, puis pointa mon assiette. « Allez, mange maintenant, finis ton assiette ou ça sera tu gaspillage. » Je ris, puis lui souris, reconnaissante.

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