« - 40/15, balle de match »

Roland-Garros. Dix-sept heures. Tournois du grand Chelem. Jour de finale. La tension était palpable. Voilà quatre heures que les deux joueuses se battaient corps et âmes pour obtenir le trophée qui reconnaitrait leur victoire. Et là, plus qu'un seul point pour que le match soit plié. La présumée perdante souffla un bon coup, attrapa la balle au creux de sa main,. Elle lança un regard vers les tribunes, observant avec souffrance son père, la tête entre les mains, désespéré. Elle le décevait. Elle le savait. Pourtant, elle avait tout donné. Ses muscles étaient meurtris par tant d'efforts. Son souffle était sec et cuisant. Elle avait mal, pas seulement physiquement, mais également au fond de sa poitrine. Elle avait mal au cœur. Elle voulait fuir. Elle voulait disparaître.


Shiloh Torrey Kennedy avait commencé le tennis jeune, très jeune. Elle ne devait pas avoir plus de trois ans lorsque son père l'emmena pour la toute première fois sur un terrain de tennis. Elle s'en souvenait vaguement, se rappelant tout de même un peu de ce plaisir incroyable qu'elle avait pris ce jour là. Fille d'un professeur de tennis qui avait vu ses rêves de carrière se briser très jeune à cause d'une blessure au genoux, elle avait cette même passion dévorante pour ce sport que son géniteur avait. Parfois, sa mère se plaignait de ne pas faire partie de ce duo si complémentaire, mais c'était ainsi, elle ne pouvait rien y faire. Plus les années passaient, plus la blondinette se donnait corps et âme dans le tennis. Son père décela très vite un talent incroyable chez sa fille. Elle était douée. Beaucoup plus douée que tous les élèves qu'il avait pu entrainer dans sa vie. Shiloh avait un don pour le tennis et son père n'était pas prêt à le laisser passer. « - Hey Shiloh, ça te dit de venir à mon anniversaire samedi ? ». « - Non désolée, j'ai un match de tennis... ». C'était toujours ainsi. La demoiselle était toujours occupée à s'entrainer ou jouer un match. Son père y tenait particulièrement. Il savait que le seul talent de sa fille pour le tennis ne suffisait pas à faire d'elle une championne. Elle devait travailler, elle devait s'entrainer. Pourtant, il semblait parfois oublier qu'elle n'était qu'une enfant qui avait parfois envie de s'amuser, d'avoir une vie normale. Mais Shiloh voyait en son père un idéal, un héros et elle obéissait bien sagement, refoulant au plus profond d'elle-même cette frustration de na pas vivre la vie que devait vivre une petite fille de son âge. Son père voulait le meilleur pour sa fille, c'était certain, à tel point qu'il transférait sa frustration de n'avoir jamais pu réaliser ses rêves au travers de son enfant qui avait un potentiel beaucoup plus important que lui-même n'en avait jamais eu. « - SHILOH TU FOUS QUOI LA ?!? T'AS UNE DEMI-HEURE DE RETARD !!! ». Ah... l'adolescence ne fut pas une période très facile pour la petite blondinette. Son niveau ne cessait d'augmenter et elle commençait doucement à se faire un petit nom au sain du milieu du tennis. Elle avait déjà remporté un bon nombre de tournois et savait parfaitement que le jour où elle disputerait une finale en grand Chelem ne tarderait pas. Pourtant, elle était également une adolescente, elle avait envi de s'amuser, de profiter de la vie et son rythme de vie beaucoup trop actif l'empêchait de vivre ce qu'elle avait à vivre. Tout ce qu'elle entreprenait en dehors du tennis partait en fumée. Il y avait eu ce garçon, Damian. Elle était sortie avec lui deux bons mois avant qu'il ne se plaigne du rythme de vie de la demoiselle et ne la quitte. Il y avait eu aussi Amelia, sa meilleure amie qui avait coupé tout contact avec elle parce qu'elle ne venait jamais passer des soirées chez elle. Tout un tas de choses qui lui pourrissaient la vie et l'empêchaient de vivre pleinement sa jeunesse. Pourtant, toujours aussi obéissante, elle ne disait rien et se contentait de jouer, comme si sa vie en dépendait. Le tennis était le seul aspect certain de son existence, la seule chose sur laquelle elle pouvait compter. Le tennis était tout ce qu'il lui restait. Elle s'y plongea alors corps et âme, faisant la fierté de son père. Les matchs s'enchainaient, les victoires également. A défaut d'avoir une vie sociable convenable, Shiloh avait une perspective de carrière incroyable. Du moins... jusqu'au jour où... « - AAAAAAAAAAAAH !!! ». La demoiselle se tordait de douleur. Allongée sur le sol en terre battue du terrain principal de Roland-Garros, elle voyait ses rêves s'effondrer. C'était comme si on venait de lui enfoncer un couteau dans le genoux. Elle avait mal si mal. A seulement vingt ans, elle touchait de près son rêve de remporter la finale d'un tournoi du grand Chelem, et le voyait rapidement s'effondrer pour une rupture des ligaments croisés. Dure blessure. Les semaines passées à l'hôpital furent très certainement les pires de sa vie. Elle avait cette impression d'avoir tout gâché. Elle venait de perdre ce pour quoi elle avait tout sacrifié... Le tennis. « - Hey... tu t'appelles comment ? ». La blondinette tourna le visage vers sa droite et put apercevoir le visage souriant de la fille qui partageait sa chambre d'hôpital. C'est à partir de là que tout changea. Alice. Elle s'appelait Alice. Cette fille était tout le contraire de Shiloh. Elle était impulsive, sociable, inconsciente... incroyable. Elle était à l'hôpital pour un lavage d'estomac : overdose. Elle l'avait balancé à la blonde, comme ça, comme si ça n'était pas important. C'était si étrange de parler à une fille comme Alice ! Shiloh n'en revenait pas. C'est Alice qui fit reprendre espoir à Shiloh, c'est elle qui lui fit également découvrir la vie. Durant les mois de rééducation de la blondinette, Alice s'évertuait à emmener Shiloh avec elle. Elle avait compris que cette dernière n'avait jamais vécu de choses bien incroyables d'un point de vue humain. Elle était comme une petite fille naïve et innocente et Alice était bien décidée à briser ce côté-là. Les fêtes, l'alcool, les garçons, la drogue... c'est aux côtés de Alice que Shiloh découvrit tout cela. Et plus important encore, elle rencontra... « - Salut, moi c'est Eliott! ». Eliott... le frère de Alice. Les jumeaux étaient identiques d'un point de vue caractériel. Ils étaient aussi incroyables l'un que l'autre. Ils se fichaient de tout, vivaient de rien, prenaient la vie comme elle venait. Shiloh n'avait jamais été comme ça. Le but de sa vie était de gagner. Gagner, toujours gagner. Ça ne servait à rien de jouer si ça n'était pas pour gagner. Durant ces quelques mois passés auprès de Alice et Eliott, Shiloh perdit toute nervosité. C'était peut-être la meilleure période de sa vie. Elle y allait doucement et restait souvent spectatrice des frasques des jumeaux, mais elle osait faire des choses qu'elle n'avait jamais fait auparavant. Ils étaient l'inconnu, ils étaient la folie. C'était une nouvelle vie, un air frais dans son existence. Rapidement, Shiloh se rapprocha de Eliott. Il lui plaisait et même si c'était inconscient, elle en était amoureuse. Pourtant, elle n'avait jamais été une fille très sûre d'elle dans la vie. Sur le terrain, Shiloh était une tueuse, prête à tout pour gagner. Dans ses relations, elle était timide et peureuse. Un drôle de contraste. « - Lâches-toi. Laisses sortir la bête qui est en toi... je sais que tu la caches, que tu la retiens. Les seuls moments où tu la laisses s'exprimer, c'est quand tu es sur le terrain... et pourtant, cette bête, c'est ce que tu es vraiment... oublies la peur, oublies tout et laisses toi aller. Cesses d'avoir peur d'être toi. ». C'est ce que lui avait dit Eliott, un soir alors qu'elle était chez les jumeaux. Une phrase qui témoignait de combien il avait réussi à la cerner en si peu de temps et qui avait laissé perplexe la demoiselle.
Pourtant, cette période fut de courte durée. Jusqu'au moment où Shiloh fut complètement guérie du genoux. Jusqu'au moment où elle reprit les entrainements, son père bien décidé à faire oublier cette blessure et continuer de faire avancer sa fille. Pourtant, la blondinette avait pris goût à cette liberté, à cette folie et elle n'était pas vraiment prête à la laisser s'envoler. Bien sûr, cela engendra de grosses disputes entre son père et elle et au final, elle était plus perdue qu'autre chose. « - Si tu veux gagner, il faut faire des sacrifices ! Tes nouveaux amis ont une mauvaise influence sur toi et pire encore, sur ta concentration et ton jeu. Tu as travaillé si dur ! Ne laisse pas tout tomber juste pour un garçon qui t'a fait te sentir belle le temps d'une soirée... ». Elle s'était alors rendue à l'évidence et avait coupé tout contact aussi bien avec Alice que Eliott. Elle le devait. Pour son père, pour elle et pour son jeu. Pourtant, ça la broyait de l'intérieur, ça la détruisait à petit feu, mais elle devait le faire. Six mois plus tard, elle avait retrouvé son jeu, elle était même en final du tournoi de Roland-Garros. Cette fois-ci, elle était bien décidée à gagner, elle était bien décidée à réaliser son rêve.
Tranquillement allongée sur le lit de sa chambre d'hôtel, à Paris, elle avait entendu trois coup secs résonner. Elle était alors allée ouvrir la porte, tombant nez-à-nez avec Eliott. Surprise. Six mois qu'elle ne l'avait pas vu et il était là, devant la porte de sa chambre, plus beau que jamais. Ce soir là, il se contenta de lui dire une seule et unique chose : « - Amuses-toi demain. Tu ne gagneras jamais si tu ne t'amuses pas. Oublies ton père, oublies ce que tu as à perdre et prends ton pied. ». Il était alors parti, la laissant seule avec ses pensées...


« 40/15, balle de match. »

Elle se concentra alors. Shiloh ferma les yeux, faisant le vide dans sa tête. Elle était à Roland-Garros, elle voulait gagner. Pourquoi ? Elle se rendit alors compte que toute sa vie, son envie de gagner n'avait été que pour la simple et bonne raison qu'elle voulait rendre son père fier. Ça n'était pas pour elle ou pour sa carrière. C'était simplement pour son père. Et ce jour là, elle avait envi de gagner pour elle. Simplement pour elle. Elle avait oublié qu'au départ, le tennis était une passion et ce soir là, malgré ses muscles meurtris, elle voulait retrouver ce plaisir qu'elle avait eu la toute première fois qu'elle avait touché à une raquette. Elle équilibra ses jambes, fit rebondir la balle une, deux, trois fois, avant de ramener sa raquette vers l'avant et de rassembler toutes ses forces dans ce service. La balle partit à une allure vertigineuse. Elle rebondit une première fois à la limite du premier carré et s'évapora sur le sol avant que l'adversaire ne parvienne à la renvoyer. Il y eut alors un mouvement de foule et les spectateurs se levèrent, applaudissant avec entrain la blondinette. Cette dernière hurla, évacuant sa rage. « - Ace ! 40/30. ». Le match était reparti. Elle lança une seconde fois un regard vers les tribunes, ses yeux se posant immédiatement sur Eliott. Il était là. Il était venu. Il lui fit un clin d’œil, visiblement heureux de constater que sa phrase avait fait son effet. La blondinette mettait en pratique ce que son père lui avait toujours appris : ne jamais baisser les bras avant que la dernière balle ne soit jouée. Elle était sur le point de réaliser son rêve et elle savait que rien n'était encore acquis. Les points s'enchainèrent alors en faveurs de la demoiselle et une fois que l'arbitre eut prononcer le « - Kennedy gagnant ! ». Elle ne put s'empêcher de se laisser tomber sur le sol, les larmes dévalant ses joues. Elle était heureuse, tellement heureuse et cet instant resterait à jamais gravé dans sa mémoire.



FLASH NEW : People.

Tennis : voilà trois mois que la jeune et talentueuse joueuse de tennis Shiloh Kennedy a gagné le titre du grand Chelem tant convoité et on peut décidément dire que depuis, beaucoup de choses ont changé : la demoiselle s'est séparée de son entraineur qui n'était autre que son père. Dans une interview, elle nous a simplement dit qu'ils n'étaient plus sur la même longueur d'onde et que si elle avait perdu son entraineur, l'homme resterait toujours son père et qu'elle n'avait donc pas coupé contact avec lui. Espérons que cette prise de décision n'ait pas de répercutions sur son jeu. Nous avons également appris que la demoiselle avait emménagé dans une belle petite maison à Grant Pass, une petite ville dans l'Oregon, avec deux inconnus, afin de profiter d'un repos bien mérité tout en continuant les entrainements. Des rumeurs disent également que la belle joueuse est en couple avec son colocataire qui se prénommerait apparemment Eliott Hatwood. Une source anonyme témoigne : « Ils se tournent autours. Depuis le début. Je ne sais pas où en est leur relation, mais il est certain qu'ils ne vont pas tarder à se mettre en couple ! ». Nous avons essayé d'en savoir plus sur le jeune homme, mais disons qu'il y a peu de choses sur lui. C'est donc une affaire à suivre...