« Mais qu’est-ce que c’est que ce truc ? » Madame Sparsons écarquille les yeux en tenant du bout des doigt la vieille poupée qu’elle vient de trouver enterrée dans la terre. Elle secoue la tête avec horreur et avise le visage enfantin et souriant de sa fille ainée. « Emily, qu’est-ce que c’est que ça ? » Emily éclate de rire, d’un grand rire clair et bruyant qui font s’arrêter les gens et se retourner les voisins. Les yeux se baladent sur la propriété pourtant parfaitement arrangée, et sur la poupée dont les cheveux et les vêtements ont été arrachés, les yeux ôtés et les traits, coloriés. Madame Sparsons appelle son mari en regardant sa fille qui continue à rire comme si tout était parfaitement normal.

Quelque chose de grave se passe. Mon esprit de petite fille de huit ans l’a compris tout de suite. Je sais, même à l’époque, que les choses ne vont pas bien. Pourtant, nous vivons toujours la même maison et j’ai même eu une balançoire pour Noël. Mais Maman ne rit plus, et Papa passe son temps au téléphone, à dire des mots dangereux qui sonnent mal, des mots comme maladie, médecins… centres. Emily n’est quasiment plus jamais là. Maman dit qu’elle est hébergée par Violet, sa sœur, notre tante. Violet est… psychiatre. Je crois. Je ne me rappelle plus très bien. Mais je n’aime pas être toute seule ici. Je déteste ça, même. Surtout quand mes parents préfèrent de toute évidence faire la tête et se disputer.
Les journées sont longues.

Il est plus de quinze heures quand Maman se réveille, ce jour là. Pourtant, c’est mon anniversaire, mais elle n’a pas l’air de vouloir faire la fête. « Bon anniversaire ma chérie. Je suis désolée. » Papa me prend la main en soupirant un peu et m’entraine dehors. Nous grimpons dans la voiture en silence, et je me sens étrangement mal à l’aise, alors que je devrais être tellement, tellement heureuse. Je n’ai envie, pourtant, que de pleurer. Il roule longtemps, jusqu’à chez ses parents. Il arrête la voiture et se tourne vers moi. « Chérie, tu dois rester ici un moment. Maman et moi nous traversons des jours difficiles, et il est temps que nous prenions un instant pour nous retrouver, elle et moi. C’est capital. Ensuite tu reviendras avec nous et tout redeviendra exactement comme avant. » Je hoche la tête, j’aime Grand-Mère et ses gâteaux, et Grand-Père me fait conduire son tracteur sur ses genoux. « Demain ? » Il secoue la tête. « Un peu plus longtemps que ça. Disons, pour l’été. » J’acquiesce de nouveau sans répliquer. « Et Emily ? » Il baisse les yeux et dépose un minuscule baiser dans mes cheveux. « Emily va bien, ne t’en fais pas. »

PHOEBE
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