10 décembre 2011 – 21heures30.
« T’étais où ?! » La jeune femme déposa son sac dans l’entrée, essayant de ne pas se trahir. Il fallait qu’elle invente une excuse, maintenant, tout de suite. Vingt et une heures trente. Elle rentrait la plupart du temps vers vingt heures et feignait une après midi shopping un peu longue, mais là c’était sans doute un peu trop gros, comme excuse. « Tu me flics maintenant ?! » Elle n’aimait pas vraiment ça, surtout venant de lui. Son mari. Celui qu’elle n’avait pas choisi. A la base, c’était sa mère qui les avait réuni, et puisqu’elle ne savait pas lui dire non, elle avait accepté de se marier avec cet homme. Mais elle ne le connaissait pas à l’époque. Dix ans plus tard, malgré qu’elle le connaisse maintenant par cœur, elle ne l’aimait toujours pas. Pas comme l’homme de sa vie en tout cas. Juste comme un frère. Un frère un peu trop envahissant. Un frère avec qui on dort et on couche. Oui, il y a sans doute un énorme problème dans tout ça. « J’ai trouvé ça dans tes affaires. C’est qui ce mec ? Celui qui te rend heureuse ? Celui qui t’épuise au point que tu me feins tous les soirs une fatigue extrême ? » Elle se mordit les lèvres une nouvelle fois. Mon dieu. La photo qu’il tenait dans ses mains avait été prise il y a quelques semaines, lors d’une journée en amoureux avec Mason. Elle pensait l’avoir assez bien rangé pour qu’il n’aille pas la trouver. Elle ne pensait pas que cet homme se permettrait de fouiller si ouvertement dans ses affaires personnelles. Elle avança vers lui et lui arracha la photo des mains. « C’est quoi ton problème ?! Tu t’ennuies tellement dans ta petite vie minable que tu fouilles dans MES affaires ?! » Il la connaissait. Il savait qu’elle s’énervait pour un rien, qu’elle était colérique, et qu’elle pouvait dire des choses qu’elle ne pensait pas. Mais elle s’en foutait, elle n’avait même pas envie de se reprendre. Elle se foutait bien de ce qu’il pouvait bien lui répondre au fond. Peut être que c’était mieux qu’il sache. Qu’il sache qu’elle était amoureuse d’un autre. Qu’il sache qu’elle aurait préféré ne jamais se marier avec lui. Qu’elle avait fait une erreur. « Tu sais quoi Bambi ? Tu as raison, j’ai une vie minable. » Elle s’attendait à tout sauf qu’il rentre dans son jeu. Elle pensait qu’il allait s’énerver, faire quelque chose qui refléterait son impulsivité. Au lieu de ça il se rapprocha d’elle et la plaqua contre un mur. Les yeux dans les yeux, les mains plaquées de chaque côté du corps de la jeune femme, il reprit. « Et je pensais, enfin disons j’espérais, que je pouvais compter sur toi. Quand je rentre le soir et que je te vois, assise dans notre canapé, quand tu me demandes comment c’est passé ma journée…Je sais que ça va te paraître puéril, idiot, mais c’est sans doute la seule chose qui me rende heureux. TU me rends heureux. Tu peux comprendre ça ? Tu peux comprendre que je ne supporte pas que tu te fiches de moi, que tu sois avec un autre dans mon dos ?! DIX ANS, Bambi ! Dix ans qu’on est ensemble, dix ans que j’apprends à te connaître, à t’apprécier, à t’aimer. » La jeune femme était tétanisée. C’était sans doute la première fois qu’il lui parlait si intensément, pendant si longtemps. D’habitude, ils parlaient tous les deux de tout et de rien, évitant les sujets tabous, évitant de discuter de leur mariage ou de leur sentiment. D’un autre côté, Bambi n’avait rien à dire là-dessus puisqu’elle n’en avait aucun. Mais comment pouvait elle s’imaginer que cet homme était amoureux d’elle ?! « Et toi, toi tu es tellement occupée à penser à un autre que tu ne te rends même pas compte que je suis fou de toi et que je ferai n’importe quoi pour te rendre heureuse. Ouvre les yeux un peu, je t’aime Bambi, je t’aime. » Elle avala difficilement sa salive, essayant de le repousser, de se dégager. Son visage était à quelques centimètres du sien. Alors bien sur, elle avait déjà été aussi proche, mais elle avait toujours cru que ce n’était pas grave, qu’il n’y avait rien d’autre que le physique entre eux. Il l’aimait, ça changeait tout…Vraiment tout. « Et c’est parce que je t’aime que je t’interdis de revoir ce gars. Je ne supporterai pas que tu le revois ne serait qu’une seule fois. » Elle le repoussa violement car cette nouvelle lui fit l’effet d’une bombe. Elle n’avait pas envie de quitter Mason. Elle l’aimait, elle l’aimait vraiment, déjà que le quitter chaque soir était une épreuve terrible alors le quitter tout court ?! Elle ne pouvait même pas l’imaginer. « Sinon tu peux aussi sortir d’ici et disparaître de ma vie. Mais abandonne de suite tes goûts de luxe, je doute que ce mec sache te rendre aussi belle que moi. » L’argent, évidemment. Si Bambi partait maintenant, elle disait adieu à sa vie de dépensière, de fana du shopping. Elle disait adieu à la belle vie. Elle savait de plus que Mason n’avait déjà pas assez d’argent pour prendre soin de lui alors prendre soin d’elle, c’était totalement impossible ! Et elle n’avait pas de boulot. Elle vivait au crochet de son cher et tendre. Elle n’avait donc pas le choix. Le chantage était horrible, et il savait très bien que jouer à ça le ferait gagner, même si ça ne lui ressemblait pas, même si c’était un jeu plus que dangereux… « Je vais dormir. Je suis épuisée. Ne me réveille pas, dors sur le canapé qui t’attend à bras ouvert. C’est dégueulasse ce que tu viens me de faire et si tu crois que c’est comme ça que je t’aimerai un jour, tu peux toujours rêver éternellement. Elle pivota pour se diriger vers sa chambre. Elle n’était pas fatiguée mais elle ne voulait juste pas qu’il la rejoigne, elle voulait être seule, elle voulait qu’il la laisse tranquille. Elle tourna la poigné de la porte de sa chambre et, avant d’y entrer, se retourna vers son mari et reprit. « J’aime cet homme. Et je suis désolée que cet amour que j’ai en moi ne soit pas tombé sur toi d’accord ? Mais on s'était toujours dit qu’on serait comme frère et sœur, on se l’était promis. Alors c’est pas moi qui ai rompu quoi que ce soit aujourd’hui. » Elle se retourna et entra dans sa chambre, se jetant dans son lit, prête à pleurer pendant des heures.